...ou la fin
des héros
Je viens de visionner la
deuxième saison du Trône de fer... Cette saga fantasy, bien réaliste, est en fait une sorte
d'anti-histoire fantastique, un anti-conte.
Dès la première saison
on est assez brutalement plongé dans cet univers tantôt glauque,
tantôt dépravé, tantôt violent, où les bons sentiments sont
semés à doses homéopathiques. On se rend bien vite compte qu'il
n'y a pas de « gentils » contre des « méchants »,
de manière aussi manichéenne que dans le Seigneur des Anneaux. De
plus, la multiplication des personnages principaux brouille les
cartes. Si le clan Stark est mis en avant au début, parce qu'il faut
bien commencer par quelque-chose et par quelqu'un, on s'aperçoit que
tout n'y est pas rose.
Pour autant, quelques
personnages sortent du lot, dont Tyrion Lannister, le nain. Son
intelligence, sa finesse d'esprit et sa bouille mi-moqueuse,
mi-patibulaire, attirent la sympathie.
Comment peut-il y avoir
d'histoire fantastique sans nain ? Évidemment, il ne s'agit pas
là d'un être appartenant à une race de petite taille, c'est bien
un nain « normal », mais on serait en droit de se
demander si l'auteur ne fait pas un clin d’œil aux contes et
légendes du passé.
La deuxième saison va
ancrer encore davantage cette sympathie pour Tyrion.
Nous autres français ne
pouvons manquer de faire le rapprochement avec nos personnes de
petite taille célèbres à savoir les nains de Fort Boyard, et notre
Mimi Matty nationale, qui ont plutôt tendance à attirer notre
affection.
Cette « normalité »
des personnalités, oscillant entre bien et mal, même si certains
penchent plus d'un côté que de l'autre, est voulue par R.R.MARTIN.
L'univers où ils
évoluent est un monde dur, qui n'épargne personne, même pas les
héros.
Quelle ne fut pas ma
surprise quand j'assistais à l’exécution du patriarche des Stark.
Jusqu'au bout je me disais qu'il allait s'en sortir par une pirouette
narrative. Que dalle.
Cette faculté de
« tuer » ses héros va à l'encontre de tous les canons
du genre. Et l'histoire continue quand même. D'autres héros (et
anti-héros) sont mis en avant. Certains, parmi les plus barbares,
deviennent même sympathiques.
L' histoire continue de
se dérouler du point de vue de chaque protagoniste, et leur humanité
nous la rend crédible. Même certains aspects fantastiques s'en
trouvent devenir presque « normaux », même si leur rares
apparitions ont le dont de relancer le récit. On pense aux fantômes,
aux morts-vivants, à ce personnage qui change de visage, et à la
présence des dragons.
Sur ce dernier point, George R.R. MARTIN fait fort. Sortant des clichés du genre, il nous fait
assimiler ces animaux légendaires à de simples membres d'une
espèces disparue, tout aussi normale à priori que les autres
animaux, même s'il est fait mention du respect teinté de crainte
qu'on les personnages pour ces lézards cracheurs de feu. Dans
l'histoire, ils sont trois, trois bébés dragons et leur jeunesse
leur donne un aspect plus comique qu'inquiétant.
Bref : nain,
dragons, chevaliers, princesse en détresse, châteaux imprenables
aux tailles démesurées, plèbe loqueteuse et souillon, plus la
magie, tous les ingrédients qui composent les contes traditionnels,
et qui sont présents dans le Seigneur de Anneaux, ont été
réutilisés d'une manière originale, voire décalée, par l'auteur
du Trône de fer.
Un seul ingrédient ne
s'y trouve pas : le héros, beau, invincible, au comportement
noble, qui sauve veuves, orphelins et princesses en massacrant ses
ennemis impitoyables, et poussant la chevalerie jusqu'à épargner
l'adversaire désarmé et mis à terre.
Dans un autre genre,
c'est un peu la différence qu'il y a entre le débarquement en
Normandie vu dans « le jour le plus long » et « Il
faut sauver le soldat Ryan ».
D'un côté on a les
soldats qui tombent comme des mouches sous la mitraille allemande,
mais façon « pan, je t'ai tué – rhâ, je suis mort »,
et de l'autre les images crues de la boucherie que cela a vraiment
été, entre les membres arrachés et la valse des viscères.
Pour autant, R.R MARTIN
ne pousse-t-il pas le réalisme trop loin ? Au bout d'un moment,
ces personnages ambivalents et cet univers violent finissent par me
fatiguer. J'ai l'impression que le récit s'enlise un peu. Mais les
amateurs de jeux vidéo doivent se régaler. C'est le genre de monde
auquel ils sont habitués.
Heureusement la fin du
dernier épisode, qui voit se lever l'armée des morts-vivants,
relance l'intérêt fantastique de la saga, comme le rappel que la
magie et l'extraordinaire font bel et bien partie de l'histoire.
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