JACQUETTES QUE J'AIME


MUSIC FOR THE MASSES
de Depeche Mode

Il est comme ça des albums qui marquent l'histoire d'un groupe, ou d'un chanteur, l'album qui fait la différence, l'album après lequel rien ne sera plus pareil. On pense à Sergent Peppers des Beatles, The wall des Pink Floyd, ou Private dancer de Tina Turner, par exemple. Depeche Mode, c'est Music For The Masses. Inside Rock vous parlera mieux de l'album, et de la symbolique du haut-parleur. Attachons-nous à la pochette.
L'album sort en 1987. Les synthés ont bien progressés et les sons aussi. Les hauts-parleurs (trois), sont les éléments les plus visibles, se détachant parfaitement, rouge sur un ciel de coucher (ou de lever) de soleil. A l'arrière plan : une ville dans la pénombre. Il ne s'agit pas d'une grande ville, ou du centre d'une grande ville avec ses grattes-ciel, non, on dirait plutôt une banlieue populaire, mais sans les grandes "barres" caractéristiques.
L'image elle-même est recadrée façon cinéma, au milieu d'une pochette texturée (je crois que les pochettes originales étaient réellement texturées, je me souvient que l'image était comme en relief, on dit "embossée"). Tout cela donne une impression de luxe, renforcée par le choix des polices de caractères différentes sur le nom de l'album et le nom du groupe. On remarquera le logo ou figure la représentation graphique d'un haut-parleur.
Il y a là une allusion évidence aux sirènes d'alarmes, avertissant d'un incendie, d'un tsunami, d'une attaque aérienne. Le rouge choisi pour les hauts-parleurs n'est pas innocent. Il y a là aussi la volonté de faire connaître "aux masses", quelque-chose d'extraordinaire, comme une annonce, un flash spécial de journal télévisé. Oui, clairement le groupe veut dire que la musique de cet album est nouvelle par bien des aspects et entend le faire savoir "aux masses", c'est à dire au plus grand nombre au-delà du cercle des connaisseurs et des fans qui les suivent depuis leurs débuts.
Il est vrai que les morceaux de Music for The Masses sont beaucoup plus mélodiques et moins robotiques que la traditionnelle soupe électro-pop servie au royaume uni depuis le début des années 80. Moins robotique, mais plus puissante.
Music For The Masses préfigure l'album culte du groupe, Violator, que, malgré quelques morceaux d'anthologie (In Your Room, Précious) le groupe n'a jamais réussi à égaler jusqu'à aujourd'hui.


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BURN
de Deep Purple

"Burn est le huitième album du groupe Deep Purple sorti en février 1974. Il s'agit du premier album de la Mark III du groupe, avec David Coverdale et Glenn Hughes remplaçant Ian Gillan et Roger Glover." [Wikipedia]. On ne présente plus ce groupe mythique considéré comme l'un des fondateur du hard rock. Pour tout vous dire, j'ai découvert cet album à l'âge de 7 ou 8 ans, et la pochette m'avait impressionné, voire fait peur. Les têtes des membres du groupe sous forme de bougies, c'est quand même très connoté spiritisme, tutti et quanti, tout à fait dans l'air du temps de 74. On remarque que les personnages transpirent, comme s'il allaient fondre d'un instant à l'autre. La brume rouge-violette ne fait qu'ajouter à l'ambiance un peu glauque de l'affaire. Le titre de l'album, avec ses lettres dessinées pour évoquer des flammes est également typique du style graphique adopté dans les années 70, dans la lignée des hippies et du "flower power" né une décennie plus tôt, sauf que là on est pas dans le peace and love. La graphie des lettres date donc l'album, en plus des cheveux longs et de la moustache épaisse (de David Coverdale, John Lord ou Ian Paice, je n'ai pas trouvé l'info...). Quand on regarde le turn-over de ce groupe, on pourrait presque dire que ces bougies sont assez symboliques du côté éphémère des formations... ce qui est peut-être aussi un gage de longévité, puisque le groupe a perduré dans le temps, passant à travers les modes et les époques. Allez, un petit coup de guitare derrière les oreilles !
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A MOMENTARY LAPSE OF REASON
de Pink Floyd

Le titre A Momentary Lapse of Reason est choisi après de nombreuses hésitations, l'emportant sur Signs of Life, Of Promises Broken et Delusions of Maturity. Storm Thorgerson revient travailler sur la pochette de l'album, dix ans après Animals, sa dernière pochette pour un album studio de Pink Floyd. Son design final consiste en une longue chaîne de lits d'hôpitaux sur une plage, une image inspirée par un vers des paroles de Yet Another Movie et une vague idée de Gilmour comprenant un lit dans une maison méditerranéenne et des « vestiges de relations évanouies, ne laissant que des échos »35. La pochette montre ainsi 800 lits à Saunton Sands, dans le Devon (où, par coïncidence, des scènes du film Pink Floyd The Wall avaient été tournées)36,37. Les lits sont arrangés par le partenaire de Thorgerson, Colin Elgie38. Un deltaplane est visible dans le ciel, référence évidente à Learning to Fly. L'image prend en tout deux semaines pour être produite, et elle vaut une médaille d'or de l'Association of Photographers Awards au photographe Robert Dowling39.

Voilà pour l'historique de cette pochette. La pochette de l'album de pink floyd qui va marquer un tournant dans l'histoire du groupe. Au grand dam des fans. Considéré comme LE groupe mythique de rock des années 70-80, Pink Floyd, dissous par Waters et relancé par Gilmour, est malade. Il faudra attendre 7 ans et "The division Bell" pour réentendre du grand Pink Floyd. Revenons à cette pochette.
Des lits d’hôpital sur une plage. Hôpital ou camp de réfugiés. La perspective veut donner l'impression que cela se poursuit à l'infini, le cadrage sous entend qu'il y a encore des lits "derrière" le lecteur. Presque au bout, on remarquera une courbure, ou les lits touchent presque l'eau, faisant ressembler cet suite improbable à une sorte de serpent géant. Non loin, on aura remarqué non seulement le deltaplane, mais aussi des formes, rappelant des chiens...the dogs of war. Car c'est bien cela que l'on pourrait ressentir de ce qui ce dégage de l'image : la guerre. Une ambiance de fin du monde, au bout du monde. Les lits sont comme en attente de blessés, d'estropiés. Mais ils ne viendront pas. La plage est aussi symbolique. C'est la plage des débarquements. C'est aussi la frontière entre deux mondes, la terre et la mer. Graphiquement, l'image est organisée comme des rayons en perspective partant d'un point situé à peu près au premier tiers supérieur horizontal. Le ciel constitue le premier rayon, la mer le second, la plage côté mer le troisième, les lits le quatrième, la plage côté terre le cinquième et enfin, la mince bande de terre végétale au loin, le sixième rayon. Six rayons pour six albums depuis leur phénoménal succès "The Dark Side Of the Moon".

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THRILLER
de Michael Jackson

C'est l'album le plus vendu de tous les temps ! Ce n'est pas peu dire...Vous trouverez l'histoire de la jacquette, en bref, ici. Et l'histoire de l'album . Et une analyse (pas mal du tout) de l'album ici. Concentrons-nous donc sur cette pochette. 
Michael porte un beau costume blanc, sur une chemise noire. On devine un mouchoir, ou une pièce de tissu léopard dans la poche de son veston. Ce détail devait sans doute rappeler la peau du félin qui devait être à l'origine sur la photo.
Le blanc du costume a subi un effet photo qui créée une sorte d'aura sur les bords. Le noir, le blanc... une thématique chère à Michael. La blancheur est, dans notre culture, symbole de pureté, mais c'est aussi l'addition de toutes les couleurs émises. La synthèse. Le but. Du coup Michael a l'air d'un ange incarné. Ce qui est renforcé par son visage jeune, et un regard où l'on lit le doute, le questionnement et peut-être aussi une sorte de défi. L'attitude se veut à priori nonchalante, mais à bien y regarder, il a plutôt celle de quelqu'un dont on vient d'attirer l'attention. Bien sûr, c'est une pose et le cadrage est réalisé sur le haut du corps. Pourquoi voir les jambes ? Après tout, ces dernières et les pieds du chanteur sont déjà célèbre depuis l'album précédent. Le temps passe et Michael se retrouvera en veste de cuir noire du "bad boy" dans l'album suivant, “bad” justement. Après l'ange, le démon ? C'est un peu plus compliqué que ça. Finalement, c'est le regard du chanteur qui s'impose, placé juste au croisement du premier tiers horizontal et du dernier tiers vertical de la photo, un point stratégique. De sorte qu'on a une lecture, à partir de ce point, dans le sens des aiguilles d'une montre pour finir par le titre de l'album, placé sur un effet qui rappelle un peu la queue d'une comète. 
Michael Jackson a eu un destin fabuleux et tragique à la fois. Sa vie a été noire comme la nuit et blanche comme la lumière, et quelque part, cette pochette en est aussi l'illustration.


OXYGENE 
de Jean-Michel Jarre

Dessinée par Michel Granger, cette pochette est un vrai trésor en terme de sens et de symboles. Un crâne à l'intérieur de la Terre déchiquetée.
On pourrait y voir un message écologico-eschatologique : la Terre blessée signifiant à terme la mort du genre humain. On pourrait y voir aussi un message d'humilité : même si l'homme se croit le centre du monde, il n'est que de passage et sa vie est bien courte comparée à celle de sa planète. Le message ne concerne peut-être que la vie elle-même : une vie amenée à se terminer. 
Quelque soient les interprétations, l'image n'est pas choquante en soi, et ne recèle aucune violence sous-jacente, en débit de la symbolique du crâne. Même le côté morbide parait en fait quelque peu atténué, comme passé au tamis de la philosophie. L'image fait réfléchir, interpelle sans choquer, délivre un message subliminal destiné à chacun, et comme spécialement conçu pour chacun. Ce crâne semble représenter l'universalité mortelle de l'homme, comme une caractéristique équivalente à celle de l'ADN. Mais le fait qu'il soit "dans" la Terre n'est pas anodin : le genre humain, partie vivante, pensante, et mortelle de la planète qui est du même coup comme anthropomorphisée. En effet la Terre est vue comme un être vivant (les vaisseaux sanguins à l'intérieur). C'est ici le crâne du philosophe, et celui du médecin, celui de l'homme primitif et de l'homme moderne.
Associé au thème "Oxygène", la symbolique générale tend encore plus vers le message écologique, et aussi pédagogique.
Notons que la Terre revient au moins trois fois sur les jacquettes des disques de JMJ : celle de "Chants magnétiques" d'abord, elle est incrustée dans le regard de l'artiste ; celle de "Rendez-vous" ensuite, mise en scène plus prosaïquement ; celle du deuxième opus d'oxygène (7-13) de 1997 enfin, où la Terre est cette fois à la place du cœur du personnage de la jacquette. Faut-il voir là l'ambition sous-jacente (et accomplie ?) de conquérir le monde avec la musique électronique ? Allez savoir...